HOMÉLIE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME SUR LE JEUDI SAINT

… Mais il est temps enfin de s’approcher de cette table terrible. Approchons- nous donc tous avec le calme et la vigilance convenables. Qu’on ne voie plus de Judas, plus d’esprits pervers, d’âme empoisonnée affichant des sentiments qu’elle n’a pas. Le Christ est là : c’est Lui qui a préparé cette table, c’est Lui qu’on y reçoit. Ce n’est pas un homme qui fait que ce qui nous est offert soit véritablement le Corps et le Sang de Jésus-Christ, mais c’est ce même Christ qui a été crucifié pour nous (…) Écoutez donc ce qu’Il dit: Lorsque vous offrez votre présent à l’autel, si vous vous souvenez en ce moment que votre frère a quelque chose contre vous, laissez votre offrande à l’autel et allez vous réconcilier avec votre frère, après quoi vous viendrez offrir votre présent. (Matth. V, 23, 24.) Qu’hésitez-vous à pardonner, puisque ce sacrifice a été institué pour la paix avec votre frère? Si donc le but de ce sacrifice est de vous conserver en paix avec votre frère et que vous ne vouliez pas de cette paix, vous participez en vain au sacrifice, votre action est rendue inutile. Commencez donc par accomplir ce pourquoi le sacrifice a été offert et alors vous en recueillerez abondamment les fruits. Le Fils de Dieu est descendu pour réconcilier notre nature avec son Seigneur, et de plus, pour nous faire participer à Son nom si nous voulions imiter son action. Écoutez : Bienheureux les pacifiques, parce qu’ils seront appelés enfants de Dieu. (Matth. V, 9.) Ce qu’a fait le Fils unique de Dieu, faites-le selon votre pouvoir, afin de vous concilier la paix à vous-mêmes en même temps qu’aux autres. C’est pour cela que vous êtes appelés pacifiques, enfants de Dieu, c’est pour cela qu’au temps du sacrifice on ne vous rappelle aucun autre précepte que celui de la réconciliation avec votre frère, pour vous faire comprendre que c’est le plus grand de tous. Je désirerais m’étendre davantage, mais en voilà bien assez pour ceux qui sont attentifs, s’ils veulent s’en souvenir. C’est pourquoi; mes bien-aimés, rappelons- nous toujours ces paroles, et ces saints baisers de paix et cette communion redoutable. Rien n’est plus propre à unir nos âmes et à faire de nous tous un seul corps que cette participation au Corps de notre Sauveur. Confondons-nous donc tous en un seul et même corps, non dans une union charnelle, mais par le lien mutuel de la charité qui réunira nos âmes. Ce sera le moyen de recueillir avec confiance le fruit de ce banquet. Quand même nous aurions pratiqué à l’infini des œuvres de justice, si nous conservons le souvenir des injures, tout cela s’évanouit et ne nous sert de rien; nous n’en pourrons retirer aucun profit pour le salut. Après ces enseignements, laissons toute colère, et la conscience purifiée, approchons-nous avec toute la douceur et l’humilité possibles de la Table du Christ, à qui soient la gloire, l’honneur, le règne, avec le Père et le Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen!