Le 28 mai, immédiatement après la Divine Liturgie, une conférence intéressante sur l’impératrice Maria Alexandrovna (1824-1880), épouse du tsar réformateur Alexandre II, a eu lieu dans la cathédrale de l’Exaltation de la Sainte Croix.

Issue de la maison régnante allemande de Hesse-Darmstadt, la princesse restera dans l’histoire comme une bienfaitrice ecclésiastique. Ses dons ont notamment permis de construire notre église de l’Exaltation de la Sainte Croix à Genève.

Son destin, les défis de sa vie et le rôle de la foi orthodoxe dans la vie de l’impératrice, ainsi que ses liens avec la Suisse, ont été racontés par Irek Souleimanov, expert germaniste, docteur en sciences pédagogiques, paroissien de la cathédrale. Depuis 2017, il travaille au déchiffrage de l’héritage écrit de Maria Alexandrovna et d’autres princesses hessoises (parmi lesquelles la sainte grande-duchesse Elisaveta Feodorovna et la sainte tsarine-martyre Alexandra Feodorovna).

Nous vous invitons à lire le texte de cette conférence, aimablement mis à disposition par l’auteur.


«Elle est soit sainte, soit faite de bois»,
A.F. Tyutcheva, demoiselle d’honneur, à propos de l’Impératrice Maria Alexandrovna

Cathédrale de l’Exaltation de la Sainte Croix à Genève – « à une poignée de main » de l’Impératrice ?

L’Impératrice Maria Alexandrovna (1824-1880) et la construction de la Cathédrale de l’Exaltation de la Sainte Croix à Genève.

L’Impératrice Maria Alexandrovna (1824-1880), épouse du Tsar-réformateur Alexandre II (1818-1881) et grand-mère du Tsar-martyr Nicolas (1868-1918), est en général ignorée des historiographes. Princesse allemande issue de la maison de Hesse-Darmstadt, elle s’est convertie à l’orthodoxie et est entrée dans l’histoire comme bienfaitrice de l’Église. La Cathédrale de l’Exaltation de la Sainte Croix à Genève a d’ailleurs été construite grâce à ses dons. L’Impératrice a consacré jusqu’à ¾ de ses fonds à des œuvres de bienfaisance. Symboliquement, elle a choisi pour devise de la Société russe de la Croix-Rouge, placée sous son patronage, les mots profondément chrétiens : “Ce n’est pas la force qui fait la force, c’est l’amour”.

Princesse Maximiliana Wilhelmina Augusta Sophia Maria de Hesse et du Rhin : c’est sous ce nom que la future Impératrice apparaîtra en 1839 à Darmstadt au jeune Tsésarévitch Alexandre Nikolaïevitch (qui deviendra son époux en 1841). Cependant, bien que la jeune princesse soit considérée comme la fille du Grand-Duc Louis II de Hesse, au moment de sa naissance (1824), il est avéré que ses parents vivaient séparément sous le même toit depuis déjà 10 ans. Le père biologique de Maria, comme de son frère aîné Alexandre (fondateur de la famille Battenberg/Mountbatten), était le baron Auguste de Senarclens de Grancy. C’est ici que commence l’histoire suisse de la tsarine russe

Le père biologique de Maria Alexandrovna est né le 19 août 1794 au château d’Étoy, dans le canton de Vaud, qui jouxte la région de Genève. D’ailleurs, de façon étrange, on retrouve dans la liste des propriétaires de l’hôtel particulier du 18ème siècle situé dans le quartier genevois des Eaux-Vives une certaine famille de Senarclens, qui l’a loué pour y accueillir une église orthodoxe de maison (1854-1866)…

La Cathédrale du diocèse d’Europe occidentale de l’Église orthodoxe russe à l’étranger sera consacrée le 14 (26) septembre 1866, en la fête de l’Exaltation de la Sainte Croix vivifiante. Vingt ans plus tôt, le fondateur du Parti radical suisse, James Fazi (1796 – 1878), conduisait des troupes de partisans contre les autorités et était proclamé chef du gouvernement provisoire de Genève. Ses travaux aboutiront notamment à l’approbation d’une nouvelle constitution en 1847. C’est ce document qui mettra fin à la domination du protestantisme et ouvrira la voie au pluralisme religieux.

La décision, prise en 1862/1863 par le Gouvernement genevois, d’offrir un terrain pour la construction d’une église orthodoxe dans le quartier des Tranchées découlera également de ces événements.

Il convient de noter que sur le site où l'église doit être construite se trouvait auparavant l'ancien monastère de Saint-Victor et que la fête de ce Saint tombe le 30 septembre, ce qui coïncide presque avec la fête paroissienne de la Cathédrale de l’Exaltation de la Sainte Croix. Le culte du martyr, transféré de Soleure à Genève, a été activement promu par la cour burgonde dès l'accession au trône du roi Sigismond en 501. Avec la redécouverte des reliques du Saint par l'évêque Hiconius, le roi franc Théodoric II dota dès 602 l'église Saint-Victor aux portes de Genève d'une grande propriété. Quatre siècles plus tard, vers l'an 1000, l'évêque Hugo de Genève redécouvre les reliques de Saint Victor : l'église Saint-Victor est alors élevée au rang de prieuré de l'abbaye bénédictine de Cluny. Les biens du monastère permettaient de nourrir 10 à 12 moines. Au XIVe siècle, cependant, des difficultés financières apparaissent et entraînent le déclin du monastère sous l'abbé François Bonivar (dont le récit de la vie a servi de base au poème de Byron « Le Prisonnier de Chillon »). Il devient otage des intérêts divergents de Genève, de la Savoie et de Berne. En 1531, l'exode physique de l'abbaye commence : le Conseil de la ville de Genève décide d'abord de démolir partiellement les bâtiments pour des raisons militaires (afin que les environs immédiats des murs de la ville ne puissent pas abriter d'intrus), et en 1534, l'abbaye sera entièrement rasée. Tout cela, combiné au processus de la Réforme, entraînera une perte d'intérêt pour Saint-Victor à Genève.

La figure de l’archiprêtre Afanassi Konstantinovitch Petrov (qui, selon la légende, a choisi le site de l’église) est largement considérée comme la clé du succès de la Cathédrale de l’Exaltation de la Sainte Croix. En effet, sa conviction dynamique et passionnée de la nécessité de construire l’église à Genève a été la force motrice de ce processus complexe. Mais le fait que le père Afanassi ait été – comme nous le dirions aujourd’hui – au cœur du travail en réseau, rassemblant les décideurs au niveau de la hiérarchie ecclésiastique, de la diplomatie, de la vie publique et des plus hautes sphères du gouvernement, n’a pas été moins important pour le succès de l’entreprise. Il convient de rappeler ici la théorie sociologique des “six poignées de main”. Dans le cas du père Afanassi, on peut dire qu’il a été séparé par une ou deux poignées de main de l’Impératrice Maria Alexandrovna, dont le soutien a été déterminant pour l’édification de l’église.

Dans ses lettres de 1858-1860, le prêtre passionné constate une hausse considérable du nombre d’enfants orthodoxes dans les établissements scolaires de Genève et de Vaud, et souligne l’attitude politiquement très favorable du Gouvernement genevois à l’égard de la construction d’une grande église orthodoxe, soit une liberté religieuse, ainsi que la volonté de donner un terrain pour l’accueillir.

L’un des proches collaborateurs du père Afanassi était l’envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire auprès de l’État unitaire suisse, Alexandre Petrovitch Ozerov (1816 – 1900), qui faisait partie de l’entourage de l’Impératrice Maria Alexandrovna et qui, après la fin de sa carrière diplomatique, a occupé divers postes à la cour directement sous l’autorité de la tsarine jusqu’à sa mort.

Dans ses dépêches à Saint-Pétersbourg, surtout en 1862, A.P. Ozerov soutient en fait l’initiative du père Afanassi, en décrivant de manière dramatique la situation de l’Église orthodoxe : le bail de la maison occupée par l’église arrivait à son terme ; une transformation majeure du bâtiment était nécessaire, entraînant une augmentation considérable des frais; des conditions inacceptables – maison exiguë et surpeuplée – et de plus, l’église faisait piètre figure par rapport à d’autres.

Les appels du père Afanassi et les dépêches de Monsieur Ozerov mirent en branle les rouages de la bureaucratie de l’Église et de l’État. En 1861, le Métropolite de Novgorod, de Saint-Pétersbourg et de Finlande Isidore (1799-1892), premier membre du Saint-Synode, reconnaissant les arguments du père Afanassi ainsi que l’importance intemporelle de l’Église orthodoxe de Genève, bénit le prêtre pour qu’il recueille les fonds nécessaires auprès des “voyageurs russes”. Ces derniers n’étaient toutefois pas pressés de soutenir la noble affaire du père Afanassi.

Il est important de souligner le fait que le Métropolite Isidore faisait également partie du “système de la poignée de main” : le 26 août 1856, il avait participé au couronnement de l’Empereur Alexandre II et de l’Impératrice Maria Alexandrovna (celui-ci l’élevant “personnellement” au rang de Métropolite), alors que le couronnement lui-même était dirigé par le Métropolite Philarète (1782/1783-1867). Le Métropolite Philarète (Drozdov), qui jouissait d’une autorité sans limite de son vivant, sera un autre “collaborateur” du père Afanassi dans son travail.

Comme la collecte de fonds à Genève ne se déroulait pas bien, le père Afanassi décide, en 1862, de se rendre en Russie. C’est là que la machine à poignée de main se met en marche. Mais pas tout de suite. À Moscou, le prêtre genevois se heurte à l’incompréhension : pourquoi les chrétiens orthodoxes devraient-ils donner leur argent à l’étranger alors que les églises locales ont également besoin de soutien ? La nouvelle de l’étrange prêtre Petrov parvient au Métropolite Philarète (Drozdov). Un miracle se produit alors : l’évêque considère que l’idée du père Afanassi est bonne, car on ne peut pas priver les églises orthodoxes de soutien spirituel, même en dehors de la Russie. Le Métropolite ne se contente pas seulement de bénir le père Afanassi avec “la grande bénédiction des saints”, il fait également un don pour la construction de l’église.

Il convient de rappeler ici que le Métropolite Philarète entretenait des relations privilégiées avec l’Impératrice Maria Alexandrovna, dont il était le pasteur spirituel. De plus, la princesse protestante Maria, future épouse du Tsésarévitch, devait se convertir à l’orthodoxie. C’est le Métropolite Philarète (Drozdov) qui a procédé à l’onction de la princesse hessoise, la nommant Maria Alexandrovna, le 5 décembre 1840. Le lendemain (après les fiançailles), le Métropolite Philarète sera aux côtés du couple tout justement marié à la table de fête. On pense généralement que c’est lui qui a écrit une prière pour l’Impératrice, afin de lui redonner des forces après sa première perte familiale irréparable – le décès, en 1849, de sa fille aînée Alexandra Alexandrovna, âgée de sept ans:

Seigneur, je ne sais pas quoi Te demander. Tu es le seul à savoir ce dont j’ai besoin. Tu m’aimes plus que je ne sache m’aimer moi-même. Mon Père, donne à ta servante ce qu’elle-même ne sait pas demander. Je n’ose pas demander ni Croix ni ta consolation ; seulement debout devant Ta Sainte Volonté. J’ouvre mon cœur à Toi : Tu vois mes besoins que je ne connais pas. Vois et crée par ta Grace Miséricorde, frappe ou guéris, abaisse ou enlève-moi. Je suis émerveillée par Tes souhaits sans les savoir. Silencieusement je me sacrifie pour Toi, je m’abandonne à Toi. Je n’ai d’autre désir que de faire Ta volonté. Apprends-moi à prier. Prie en moi Toi-même. Amen.

Toutefois, cette prière sauvera l’Impératrice plus d’une fois : seize ans plus tard, elle sera confrontée à une épreuve encore plus lourde, la maladie et la mort de son fils bien-aimé, Tsésarévich Nicolas (1843-1865). Espérant toujours la guérison de Niksa (comme on l’appelait dans la famille), ses chers parents envisagent de le transporter de Nice à Baden. L’Impératrice envisage provisoirement de passer par Genève avec son fils, mais ce projet n’aboutira pas : Nicolas meurt à Nice.

On pourrait supposer que la contribution du Métropolite Philarète est devenue l’un des facteurs décisifs en faveur de la décision de l’Impératrice Maria Alexandrovna de soutenir la construction de l’église orthodoxe à Genève, y compris par un don matériel. De toute évidence, le soutien de la famille royale était (le don représenterait 10% du coût total de la construction et de la décoration de la cathédrale) un signe important pour les élites de cette époque. Cela confirme l’évolution de la situation : à peine arrivé à Saint-Pétersbourg, le père Afanassi, se rend compte que les choses ont radicalement changé – les dons pour construire la cathédrale augmentent activement. En plus de sa contribution financière, l’Impératrice Maria Alexandrovna offrira à la cathédrale une Croix Dorée pour l’Autel. La belle-sœur de Maria Alexandrovna, la Grande-Duchesse Maria Nikolaevna, fille du Tsar Nicolas Ier, et les frères d’Alexandre II – les Grands-Ducs Constantin et Mikhaïl Nikolaevitch – participeront aussi à la construction de la cathédrale.

Les fonds nécessaires affluent à Genève et permettent de réaliser tous les travaux nécessaires dans un calendrier serré : la pose de la première pierre en 1863 et la consécration de la Cathédrale de l’Exaltation de la Sainte-Croix trois ans plus tard.

Il est symbolique qu’à côté du père Afanassi, le rite de consécration de la Cathédrale de l’Exaltation de la Sainte Croix ait été suivi par l’Archiprêtre Vassili Alexandrovitch Prilejaïev (1831-1887). Recteur de l’église de Nice de 1863 à 1867, il devient durant l’hiver 1864/1865 le père spirituel de l’Impératrice Maria Alexandrovna et du Tsésarévitch Nicolas Alexandrovitch (1843 – 1865). Le père Basile sera aux côtés de la Tsaritsa lorsque son fils aîné, atteint d’une méningite tuberculeuse, agonisera à Nice.

Un autre participant à la consécration de l’église fut une autre connaissance d’Alexandre II et de l’Impératrice Maria Alexandrovna, l’Archiprêtre Joseph Vassilievitch Vassiliev (1821-1882). Un an plus tard, en 1867, le père Vassili, cité auparavant, lui succède à l’église Saint-Alexandre-Nevski de Paris. Le 26 mai 1867, Alexandre II, l’Impératrice Maria Alexandrovna et l’héritier Alexandre Alexandrovitch prieront dans l’église Saint-Alexandre Nevski en remerciant le Dieu Tout Puissant du sauvetage miraculeux de l’Empereur (après la tentative d’assassinat dont il a fait l’objet à Paris).

Un autre archiprêtre ayant participé à la consécration était le père Vladimir Semyonovitch Ladinsky de l’église Marie-Madeleine de Weimar, connu de K. P. Pobedonostsev, professeur de droit des grands ducs, fils de l’Impératrice Maria Alexandrovna.

Tout ceci peut suggérer que l’Eglise de Genève était clairement dans la ligne de mire de l’Impératrice Maria Alexandrovna. Cependant, nous ne pouvons pas encore juger si le père Afanassi connaissait l’Impératrice Maria Alexandrovna, mais nous concluons que le cercle de leurs connaissances mutuelles était étendu. Parmi eux, outre l’envoyé Ozerov ou le Métropolite Philarète (Drozdov), on peut ajouter Fyodor Ivanovich Tyutchev (1803 – 1873), diplomate et poète, qui a dédié ces vers à la Tsaritsa en 1864 :

…Beauté terrestre

Ou grâce céleste ? ..

Mon âme voudrait la prier,

Mais mon cœur se brise à l’adorer…

F.I. Tyutchev connaissait bien l’Archiprêtre Afanassi Petrov et lui a confié ses secrets les plus intimes lors de confessions à Genève.

L’architecte choisi pour concevoir le projet de la Cathédrale de l’Exaltation de la Sainte Croix était David Ivanovitch Grimm (1823-1898). C’est à lui que l’Impératrice Maria Alexandrovna a confié la création de la chapelle commémorative de Nice en mémoire de son fils bien-aimé décédé, Niks (la pose de la première pierre a eu lieu le 14 mars 1867). Il est profondément symbolique que les enfants de l’Impératrice, s’efforçant de réaliser le rêve de pèlerinage en Terre Sainte qu’elle ne put jamais réaliser aient acheté, après la mort de Maria Alexandrovna, un terrain sur le Mont des Oliviers à Jérusalem et érigé une église dédiée à Marie Madeleine (la patronne spirituelle de l’Impératrice) en mémoire de leur mère décédée. L’auteur du projet sera le même David Grimm. Grimm construisit les deux églises – celle de Genève et celle de Terre Sainte – sur le même modèle : un quadrilatère sans piliers, de plan carré et entouré d’une galerie. La famille hessoise offrira à l’Église orthodoxe deux sœurs Saintes : la Sainte Grande-Duchesse Elisaveta Feodorovna (1864-1918), épouse du fils de Maria Alexandrovna, le Grand-Duc Sergei Alexandrovich (1857-1905), et la Sainte-martyre Alexandra Feodorovna (1872-1918), épouse du petit-fils de Maria Alexandrovna, le tsar Nicholas II. L’église commémorative Marie-Madeleine abritera les reliques d’Elisaveta Feodorovna ainsi que les restes d’un autre membre de la famille hessoise, Alice Battenberg, grand-mère du roi Charles III du Royaume-Uni.

Il ne fait aucun doute que, même si de nombreuses hypothèses restent à prouver concernant son rôle dans la construction de la Cathédrale de l’Exaltation de la Sainte Croix à Genève, l’Impératrice Maria Alexandrovna y a participé matériellement de manière significative, en témoignent ses dons et la Croix Dorée d’autel qu’elle a offerte à l’église. Par ailleurs, la participation active de la famille tsariste à l’initiative du père Afanassi Petrov s’inscrit parfaitement dans les convictions politiques de l’Impératrice, qui était activement engagée dans le soutien des croyants orthodoxes à l’étranger (sa position en faveur des croyants orthodoxes des Balkans, son patronage de l’association “Restauration du christianisme dans le Caucase”, son soutien aux missions spirituelles à l’étranger, etc.) Il n’en reste pas moins que tous les principaux fondateurs de l’église soit ont appartenu à son cercle restreint soit étaient « à une poignée de main » de l’Impératrice Maria Alexandrovna…

Écrit par Irek Souleïmanov

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Traduit par Evgenia Viel

Juin 2023